Il fut un temps, en France, où le golfeur pouvait choisir entre plusieurs types d’accompagnement sur le parcours. Ainsi, il pouvait décider de louer les services d’un cadet, ceux d’un éclaireur, d’un cadet-éclaireur, ou de s’en passer et d’effectuer ses 18 trous tout seul, en portant son sac ou en tirant son chariot.
N’allez pas imaginer que je vous parle des années 1900; pas du tout. Je vous parle des années 70 et 80, c’est à dire de celles qui ont vu se produire la grande démocratisation du golf en France.
Mais ces temps-là sont révolus et la question actuelle du golfeur consiste davantage à savoir s’il va louer une voiturette classique, un modèle individuel, ou s’il va jouer en tirant son chariot, électrique ou pas.
Cependant, le golfeur d’aujourd’hui peut se poser des questions concernant ces cadets qui semblent avoir disparu de la surface de l’hexagone, à l’instar du Bouquetins des Pyrénées.
Tout d’abord qui étaient-ils, et que sont-ils devenus?
Avant l’an 1700, les cadets étaient principalement des porteurs d’eau sur le parcours. Puis ils se sont ralliés aux gentlemen d’Edimbourg afin de codifier leur activité, avant que nous ne les retrouvions dans nos contrées. A partir de 1900, pour faire simple, nous pourrions dire que cette population particulière était majoritairement composée de femmes et d’enfants dont le mari et père était employé par le club, en tant que jardinier.
Le club fermait les yeux, et permettait au foyer de ses employés d’augmenter ses ressources en y réalisant des activités secondaires contre rémunération.
Au fil du temps, c’est tout un écosystème qui s’est développé à l’ombre du caddy-master, dont les juniors sont devenus les animateurs essentiels.
De l’activité de cadet, pour ces derniers, ressortaient deux évidences bien claires:
le temps de travail était court et la recherche du client, aléatoire, ce qui incitait les plus volontaires à passer leur semaine entière au club. Et à y passer le temps un club à la main, avec une balle comme seul moyen d’échapper à l’ennui.
A ce rythme là, et au bout de quelques générations passés au contact permanent des métiers du golf, certains d’entre eux sont devenus des joueurs exceptionnels ou des enseignants renommés, aptes à former leur propre descendance. Et parfois, celle-ci est parvenue à la gloire et au titre de champion.
Bien sûr, nous imaginons facilement que ces “cracks” n’ont pas une vision aussi conviviale et ludique du jeu de golf que les jeunes membres des clubs qu’ils ont côtoyé au cours de leur existence. Car pour eux jouer au golf est intrinsèquement une activité qui exige de la discipline, de l’entraînement, de l’acharnement ainsi qu’une terrible envie d’emprunter cet ascenseur social à aller-simple, qui ne propose que quelques places, et laisse nombre de prétendants au rez de chaussée.
Pourquoi alors faire disparaître cette catégorie de golfeurs qui apporte un service indéniable aux joueurs et peut éventuellement ramener des trophées aux clubs qui les hébergent?
Par calcul, tout simplement.
Nous sommes aujourd’hui dans un monde où chacun veut faire valoir ses propres idées mais où la décision finale est toujours dictée par les impératifs financiers. Or l’équation financière dans le match “cadet -vs- voiturette” est à l’avantage de cette dernière. Car pour que l’activité des cadets subsiste, la location de leurs services ne peut pas être excessive pour ne pas rendre trop chère une simple journée de golf. Le club ne ponctionne donc pas les honoraires des cadets alors que la location d’une voiturette rentre directement dans ses caisses. C’est tout. Et la mode naissante (peut-on appeler cela une mode ou devrait-on la requalifier en calcul?) va bientôt introduire en France les voiturettes individuelles qui produiront davantage de bénéfices, encore, pour le club. Car vous pouvez être certain que leur tarif à la location sera supérieur au prix d’une voiturette pour deux divisée par autant. Ceux qui s’en plaindront se verront répondre que tout joueur a le droit à son autonomie et à sa liberté sur un parcours de golf… Ce à quoi il n’y a rien à rétorquer!
Partant de là, de quoi peuvent bien parler les commissions fédérales qui prétendent mettre en place un plan pour créer des champions? Et quelle est leur crédibilité alors qu’ils laissent les clubs couper les vannes du premier réservoir à champions que nous ayons à notre disposition? Zéro, tout simplement. Trop occupés à réinventer la roue et à se lamenter de l’absence de champions tricolores dans le top 10 mondial, les français en oublient de regarder ce qui se passe autour d’eux et se dispensent même de cadets quand ils jouent dans des pays comme le Royaume-Uni, l’Espagne, le Portugal, les pays du Maghreb, toute l’Asie, l’Inde, la Chine (ou l’école nationale des cadets ressemble à un véritable camp militaire), etc… (liste non exhaustive).
Pour que le processus de réflexion autour de ce désastre dépasse le stade embryonnaire, rappelons nous quatre points:
– Ballesteros était un cadet, issu d’une famille de cadets
– Personne ne juge là-bas son environnement social initial
– Les clubs espagnols prospèrent sereinement.
– L’Espagne est un pays qui produit régulièrement de grands champions.
Dans le match qui se joue entre les clubs et les cadets, à n’en pas douter, le vainqueur est sans conteste l’€uro.
Le grand perdant en est finalement le Golf.
FdeC.