Mise à jour du 07/05/2025

Prix des Clubs : le coût du mimétisme.
Si une bouée de sauvetage se négociait une fortune en plein naufrage du Titanic, nos clubs de golf sont également des objets pour lesquels nous sommes prêts à investir beaucoup pour survivre aux tempêtes du parcours.
En bref, nos clubs sont chers, très chers, intouchables pour certains, et cet écueil est le premier frein à la pratique de notre sport pour une grande partie de ceux qui s’y essayent.
Cet état de fait a-t-il toujours été ? Le golf est-il un sport dont le matériel de jeu doit être onéreux afin de créer une sorte de sélection préalable dans le niveau social de ses pratiquants ? Non, pas du tout.
Un bref rappel historique nous transporte dans le monde des bergers écossais chez qui le dandysme, la Hype et les tenues Fancy n’étaient pas vraiment de mise…
Serait-ce la technologie employée pour leur fabrication qui rendrait le matériel si cher, alors ? Pas plus, même si à une époque où le mot technologie n’avait pas la même consistance, ce fut effectivement le cas. Et encore, cela ne concernait pas les clubs mais les balles. Car avant l’invention des balles en celluloïde, la balle en gutta-percha, issue d’une résine d’Amérique du sud, valait le prix de plusieurs drivers, brassies let spoons confondus. L’acharnement irrationnel qu’ont aujourd’hui les golfeurs à chercher leur balle dans les roughs les plus denses tire sans doute son origine de là…
Mais de nos jours, cela ne colle plus car les feuilles de carbone utilisées pour réaliser nos clubs (têtes et shafts) ne coûtent rien, l’acier est toujours à 400 dollars la tonne, les grips sont en polymères, dont la plupart des composants sont issus de filières de recyclage, et les métaux plus rares, comme le titane ou le tungstène, sont dispensés avec une parcimonie dont le gramme est la mesure.
Les déclarations qui fleurissent ces temps-ci et qui défendent l’idée que les coûts des clubs n’augmentent pas, et sont justifiés par l’amortissement des départements R&D et du prototypage, sont tout aussi erronés à l’ère de l’intelligence artificielle et de l’impression 3D.
Plus sérieusement, si l’on veut comprendre le prix élevé auquel nos clubs nous sont vendus, il nous faut tout d’abord assimiler le fait que le prix de vente de ces derniers est totalement décorrélé de leur prix de revient.
Pour ceux que cette affirmation surprend, sachez que depuis des décennies, ce principe s’applique également au prix de vente de la plupart des biens de consommation non indispensables comme les voitures, les vêtements de marques, les billets d’avion, les téléviseurs, les ordinateurs, les téléphones cellulaires, etc.
La question à mille euros est donc de savoir quel est le critère qui définit le prix de vente ?
La réponse est pourtant d’une simplicité biblique : c’est le prix que vous êtes prêts à payer.
Bien évidemment, nous sommes loin du prix que vous voulez payer.
Mais il se trouve que ce vous n’est en fait pas vraiment vous…
Le “vous” dont on parle, c’est celui pour qui ce marché est fait et autour duquel tourne toute l’économie du golf mondial. C’est le joueur qui appartient au groupe le plus représenté sur la planète et pour lequel le golf est un sport qui supporte un pan entier de son économie. En bref, c’est le plus grand consommateur de golf au monde et c’est celui sur lequel le système est basé.
Cet homme là (ou cette femme) est américain(e), australien(ne), coréen(ne) ou japonais(e).
Et c’est lui, la cible. C’est lui qui sera au centre des discussions lorsque le comité d’évaluation des prix se réunira pour définir le tarif des produits 2026. Et pas de chance pour vous qui vivez dans la Ruhr, dans le Piémont ou dans les plaines d’Alsace,
Ces populations extra européennes profiteraient-elles d’un niveau moyen de revenus supérieur à celui des français, pourrait-on se demander ? Auraient-elles un pouvoir d’achat si important , par rapport au nôtre ?
Rien de tout cela.
Ces golfeurs habitent des pays qui ne connaissent pas les congés payés et profitent, dans le meilleur des cas, de quinze jours par an pour s’adonner à leurs loisirs. Ils vivent dans des pays dont le mode de vie n’est pas comparable au nôtre, qui repose souvent sur un mode de libéralisme sauvage et non pas social.
Loin de devoir gérer un budget vacances s’étalant sur une période de cinq semaines, leur objectif est de dépenser le fruit de 50 semaines de labeur dans un temps imparti limité.
Imaginez ce que vous feriez si le budget de vos congés annuels devait disparaître en quinze jours et vous auriez une vision plus juste de leur comportement.
Dans ce cas de figure, attendriez-vous une année de plus pour acheter à un prix déraisonnable (pour nous) le nouveau driver de chez Tapdur qui vous fera gagner 10 yards sur vos partenaires du dimanche? Non, bien sûr.
Mais de toute façon vous allez l’acheter, ce driver. Car vous le valez bien. Aussi parce que tous les champions le jouent et que vous êtes vous aussi victime d’un grave phénomène de mimétisme. Mais vous allez donc le payer au prix fort, sur la base du prix que mettrait hypothétiquement un américain aux vacances trop rares et aux revenus proportionnels à la taille de son marché national.
Mais expliquer le prix excessif des clubs par un simple calcul arithmétique ne serait pas juste. Il nous faut également y rajouter une composante sociétale moins prégnante mais essentielle à une vision plus entière du phénomène: le mindset de ces pays majeurs dans le golf mondial.
Les USA, le Japon, la Corée du Sud ou l’Australie ont une religion commune: le fun. Leurs populations entières en sont les adeptes et leurs temples sont dédiés à la consommation. De mémoire, Disneyland n’est pas une invention albanaise et Las Vegas est le nom d’un hôtel peu reluisant du côté de l’Estrémadure. Voilà donc un élément supplémentaire qui sera pris en ligne de compte pour le calcul du prix d’un produit final, club, balle, polo ou casquette, et qui ne joue toujours pas à notre avantage.
C’est de cette façon que nous, européens, sommes devenus la Galinette cendrée du marché du golf mondial.
La société de mimétisme dans laquelle nous vivons coûte cher aux aspirants qui ont relégué leurs outils de production en dehors de leurs frontières.
En ignorant notre potentiel statut d’acteur, nous voilà relégués à celui de spectateur. Et la place est chère dans le carré d’or.
Si demain, pour des raisons de taxes ou autres, les produits importés deviennent trop chers pour notre marché, il ne nous restera plus qu’à nous tourner vers la Chine qui produit déjà 90% des composants des clubs américains…
Il ne manquera plus alors qu’à changer de champions pour pouvoir exercer notre besoin de mimétisme à un meilleur escient et à un moindre coût.
F2C
A la Une
100% SWING
BACKSPIN
Parce que le golf est fait d’actualités qui remodèlent le jeu jour après jour, AVISGOLF vous propose, au travers du magazine BACKSPIN, un regard différent sur les points essentiels de l’information. Une façon unique de comprendre le dessous des cartes ainsi que les enjeux qui seront les nôtres dans les années à venir.