Droit de jeu : carte verte ou carte bleue ?
Lorsqu’on est professionnel de golf, le dimanche est une journée que l’on consacre rarement au jeu. C’est comme ça. Et même si cela parait incroyable pour les amateurs passionnés, cela se comprend aisément pour ceux dont le jeu est le métier.
Un pro de bilboquet parle bilboquet cinq jours par semaine à raison de huit heures par jour, il pratique tout autant, rêve bilboquet, dort bilboquet, mange bilboquet, pense bilboquet, et quand vient le weekend, si un copain doit le rejoindre pour partir en pic-nic et que ce dernier lui propose d’amener son bilboquet, on se doute qu’il ne sera pas le bienvenu … Car la passion doit parfois reprendre son souffle pour mieux se raviver, c’est bien connu.
Mais à certaines occasions, le jeu dominical n’est pas contournable. Dans le cas où votre tendre moitié pratique elle aussi, par exemple…
La semaine passée, j’étais donc curieux de voir l’accueil qui me serait réservé dans un club touristique situé en bord de mer, après avoir réservé un départ à 10 heures 50, salivant à l’avance du régal qui s’annonçait, à savoir un parcours bien entretenu, un soleil radieux et des ouvertures magnifiques sur l’océan. Mais, dans le métier, nous savons que cet exercice est toujours périlleux. Car les pros, qu’ils soient joueurs ou enseignants, sont toujours assez mal considérés dans les clubs français. Et il est fréquent que l’on nous demande de régler un green-fee, comme les joueurs amateurs, sans tenir compte des consignes de la PGA pour réglementer le jeu des pros dans les clubs extérieurs, ni du rôle de prescripteurs – et donc de “fabricants” de joueurs – qui est inhérent à notre métier. Pire, il nous arrive parfois de nous voir interdire de parcours et de devoir se contenter de “désolé, vous, c’est la semaine ! ».
Mais ce ne fut pas le cas. Peut-être car j’avais pris le soin de réserver une chambre dans l’hôtel du golf afin d’éviter à ma femme de subir ce type de désagrément.
Toujours est-il que je fus à la fois content de pouvoir me consacrer au jeu de ma moitié en cette belle journée, et tout de même surpris qu’aucun justificatif de niveau (index ou carte verte) ne lui soit demandé. Les choses avaient-elles changé au point où les pros et leurs partenaires de jeu, seraient devenus des icônes sacrées dans le panorama golfique des clubs ?
Il ne me fallut que quelques trous pour me rendre compte du contraire. Car les joueurs qui se trouvaient devant nous – et qui avaient réglé leur green-fee juste avant nous – n’avaient visiblement pas eu à présenter de justificatif de niveau non plus. Et ils n’étaient pas professionnels de golf …
La partie se termina pour nous au 14 où nous nous convainquimes, ma femme et moi, que les 5h45 qu’il fallait consacrer au parcours pour boucler les 18 trous dépassaient le raisonnable pour profiter d’un plaisir relatif. Nous n’en pouvions plus attendre à chaque coup, de voir la partie qui nous précédait jouer sans aucun sens de l’organisation, en dépit des règles de l’étiquette et des règles de sécurité, tout en semant un sentiment de panique et d’urgence, et oubliant, de ce fait, l’existence du droit de passage.
Dans la réalité, je n’estime pas ces joueurs coupables, pas plus que ceux qui jouaient devant eux. Car nous avons tous appris, un jour ou l’autre. Par contre, l’attitude des clubs qui les laissent affronter le parcours alors qu’ils n’en ont pas le niveau requis le sont.
Nous ne pouvons pas faire monter l’index de 36 à 54 comme nous l’avons fait, instaurer une autorisation de jeu par la carte verte qui finit par inclure tous ceux qui sont capables de réaliser un quadruple bogey en moyenne, et ne pas vérifier ce dernier au moment du passage au secrétariat.
Toutes les mesures qui ont été prises au fil des ans sont intelligentes et œuvrent pour le développement et la démocratisation du jeu, même si certaines donnent matière à discussion. Idem concernant les modalités de lutte contre le jeu lent.
Mais elles ne valent rien si les clubs ne les appliquent pas. Ne l’oublions pas.
F2C