Fusion LIV Golf – PGA Tour : vite, un seau !

Lorsque la nouvelle de la fusion entre le PGA Tour, le DP World Tour, et LIV Golf est tombée, le mardi 6 Juin, ce fut tout d’abord un choc. Comme l’annonce d’une défaite dans une guerre – heureusement – sans morts. Puis, l’émotion passée, il m’est resté une sensation de malaise, d’écoeurement, que j’attribuais à un mauvais sandwich grignoté entre deux trous. A tort : car les jours passent et la nausée subsiste.

Les Saoudiens n’auront finalement mis que deux ans pour s’approprier le golf mondial au détriment du reste de la planète. Pour un pays qui ne pratique pas ce sport, c’est une belle performance. Elle nous prouve que l’argent supplante la logique, la morale, les beaux discours ou le bon sens. Elle nous montre aussi que les pères LaVertu qui défendent nos idéaux golfiques sont finalement corruptibles et se révèlent aussi courageux que des veaux. Jay Monahan, patron du PGA Tour, est un cow-boy en carton qui aura trahi tous les joueurs « loyalistes », et son pendant européen, Keith Pelley, brille surtout pour son obéissance, toute canine, à son homologue américain.

Au stade actuel, tout ce que l’on nous a vendu comme « instances dirigeantes du golf » doit soigner une énorme gueule de bois, c’est sûr. 

Je parle de l’OWGR, de l’USGA, du R&A, des fédérations nationales, qui, si elles ne sont pas au centre de la mêlée, auraient pu à minima donner leur avis. Instances, soit. Dirigeantes, certainement pas.

La mise en évidence de leur irresponsabilité, de leur incompétence, mais surtout de leur absence de poids dès lors qu’une question sérieuse se présente (et qu’on leur donne la parole) doit leur tordre les tripes. Et c’est bien mérité. 

Pour ce qui est des joueurs, l’affaire aura amené nombre d’entre eux à prendre des positions publiques qui ont fait le régal des médias mais qui leur ont porté un lourd discrédit. Quel que soit leur camp. La belle image du « champion » ne résiste plus à un examen minutieux : sa caractéristique est bien d’avoir des dollars plein les poches, plus encore que ce qu’une conscience humaine et sociale bien placée peut tolérer. 

Les affrontements entre les pro LIV et les « loyalistes » ont réussi à briser la cohérence du Tour et créé une ambiance délétère entre les joueurs qui ne disparaîtra pas de sitôt. 

Greg Norman, ambassadeur mégalomane du LIV Tour, l’avait promis : « nous apporterons du fun dans le monde du golf ».

Mission accomplie, sans nul doute… 

Alors demain ? En quoi cette fusion bricolée à la va-vite sur un coin de table par une soirée morose va-t-elle changer nos vies ? Pour le savoir, il faut faire preuve d’une grande prudence car ce que contient le deal de fusion entre le PGA Tour, le DP World Tour et le LIV reste, à ce jour, un mystère. Tout ce que la première annonce indique est que le nouveau groupe (qui sera à priori nommé Newco) est à but lucratif, que son directeur général en est Jay Monahan, et que son président est le gestionnaire du fond souverain du PIF saoudien, Al-Rumayyan, ce dernier (le PIF) finançant et capitalisant l’ensemble.

Mais, au travers de quelques bouts de phrases lâchées de ci, de là, il est cependant possible de deviner quelques-unes des conséquences qui vont découler de ce vilain deal qui a exclu d’emblée le projet de Super Tour porté par Tiger Woods et Rory McIlroy.

Tout d’abord, nous allons probablement voir le montant des droits de retransmission des tournois augmenter. Car si les joueurs gagnent plus d’argent – comme c’est aujourd’hui le cas sur le LIV Tour – le spectacle se vendra plus cher. Par ailleurs, toujours dans l’esprit du LIV Golf, les sponsors personnels des joueurs vont peu à peu disparaître (cela fait déjà partie du contrat signé entre les joueurs dissidents et le LIV) pour être remplacés par des sponsoring de pools, ce système étant prôné par les saoudiens pour implanter leurs paris sportifs, bien que les fans de golf n’en veuillent pas. Bien évidemment, le montant d’acquisition d’une pool coûtera beaucoup plus cher aux sponsors (on parle d’un milliard de dollars par pool et plusieurs fabricants dont SRIXON ont déjà annoncé leur candidature). A la fin du jour, cela signifie que Newco proposera des tournois qui coûteront plus cher aux spectateurs, que ces derniers se déplacent pour assister aux épreuves ou se contentent de les visionner sur internet, en passant désormais par des services payants, quoi qu’il advienne. Du côté des fabricants de clubs, nous verrons le prix de vente de ces derniers augmenter significativement afin de compenser les coûts du sponsoring devenus exorbitants. 

En bref, on prend les mêmes et on recommence. Mais là, c’est sûr, ça va bien se passer…

Une dernière voie subsiste cependant et elle vient d’être portée par un golfeur de légende. Jack Nicklaus, vous demandez-vous ? Non, son dauphin, Tom Watson. Dans une lettre ouverte, destinée à Jay Monahan, Watson dessine un avenir plus morose à Newco. Car selon le quintuple vainqueur de The Open, le PGA Tour est une valeur nationale dans le cœur des Américains. C’est un peu l’équivalent de notre Tour de France à nous… Outre la question de la loi antitrust américaine qui devrait se pencher sur le tour de passe-passe qu’est la création de Newco, le gouvernement pourrait prendre des mesures afin que l’institution américaine qu’est le golf ne soit pas financé par un pays étranger, puisqu’en l’occurence, Newco est financé par le gouvernement saoudien (PIF) et non pas par un particulier milliardaire et excentrique qui aurait fait un caprice. 

Et, comme on le sait, les Américains n’aiment pas qu’on fasse sa petite cuisine chez eux.

Alors, que va-t-il en sortir ?

Newco passera-t-il, au détriment de ce que le monde du golf compte comme passionnés ou bien subira-t-il le véto d’un gouvernement américain qui veille sur ses assets ?

Je vous laisse deviner la réponse car de mon côté il faut vraiment que j’y aille : mes nausées reprennent violemment…

F2C.